1. C’est dans les vieilles peaux qu’on fait les meilleures soupes. Bronnie Ware nous raconte un bien curieux métier : celui d’accompagnant des personnes en fin de vie, en général plutôt âgés et souvent chefs de famille. Dans un style narratif simple et fluide, elle nous fait découvrir chacun de ses « clients », plus ou moins agonisant. Mais elle les sélectionne plutôt bien : ils sont tous philosophes. Ils meurent souvent chez eux, dans leur belle maison, et, même lorsque certains meurent à l’hôpital, on n’entend aucune sirène d’urgence ni de bruit de matériel médical, et les infirmières sont discrètes. Entre les tâches ménagères, les toilettes, et les gestes laborieux pour accompagner un dernier verre d’eau, Bronnie ne parle jamais de cercueil. C’est pour mieux tisser atour de chacun d’eux, et de nous, un cocon dans lequel nous sommes comme un papillon complice. Elle nous emmène avec sérénité du côté de la caresse, du bilan de la vie, et de la réconciliation avec soi-même.
2. C’est un livre de magie. Bronnie a la clé de la plus improbable des boites de pandore : la boite à regrets. Celle que chacun de nous trimballe comme un sac sur notre propre dos (d’âne). Et si le livre est puissant, ce n’est pas seulement parce qu’elle fait sauter le couvercle de l’ego pour mieux faire jaillir les remords, et ainsi apaiser. C’est parce que chacune de ces contritions révélées font écho à la propre vie chaotique de Bronnie : chaque extinction résonne en elle et la soigne un peu plus. Puis elle s’efface et repart avec ces « cadeaux », un nouveau souffle, plus forte. Et, même si l’on pleure souvent avec elle devant tant de compassion et de gâchis révélés dans une dernière confidence murmurée à une étrangère, on assiste à une rédemption ; celle de l’auteure.
3. C’est un livre thérapeutique. Chacun des « clients » de Bronnie nous concocte dans ses derniers soupirs une ordonnance tout-à-fait libératrice. Car, si nous y réfléchissons deux minutes, nous faisons tous aujourd’hui les erreurs révélées par ces mourants. Ne pas vivre sa propre vie pour vivre par procuration celle que les autres attendent de nous… c’est nous ! La trop grande énergie portée au travail au détriment du cœur… c’est nous ! Ne pas assumer ses émotions et ses sentiments… c’est aussi nous ! Les vrais amis pas assez conservés dans le chaos des vies séparées… c’est encore nous ! Et le bonheur que l’on ne s’autorise pas suffisamment… c’est nous, nous, et encore nous !
4. C’est un livre à mettre entre toutes les mains. Avec au moins autant de morts que dans un bon polar glauque, voilà bien le seul livre morbide que l’on peut conseiller aux enfants. Dès 7 ans n’hésitons pas, et ne grondons personne si c’est à 6 qu’il est lu entre deux notices Playmobil. Les questions suscitées par sa lecture au détour d’une soirée crêpes pourraient bien être salvatrices aussi pour les parents. C’est quand même mieux que d’attendre bêtement de nous retrouver pantois dans un cimetière sous un parapluie et devant un trou béant : nous-même.
5. C’est un livre bio. Il est imprimé sur du papier issu de forêts gérées durablement, il est biodégradable comme nos enveloppes corporelles ; comme lui, chacun de nous finira en composte. En plus, il est inter-culturelle comme inter-confessionnelle ; bref, il est universel. Alors, qui que nous soyons, prenons-le en main et sur notre dos (d’âme), et soyons bien sages de nous préparer dès aujourd’hui à mourir.
Pour, enfin ! Mieux vivre maintenant.