Zi – Sébastien Combemale – Flammarion

Zi, ou l’histoire de Paul, ce marquis qui ne sera jamais roi…

C’est tellement fort dans la société en générale et dans l’éducation catholique en particulier que revendique Paul, cette idée que l’on n’est pas à la hauteur. Tout le temps.

Trop petit, trop faible, en dessous, assez près, mais pas suffisamment. On a bien tenté, mais on n’y est pas parvenu. Car on n’a pas vraiment voulu. Ou bien on n’a pas pu. La prochaine fois sera la bonne, c’est promis ! Mais non. Encore raté. Toujours, on reste décalé, à quelques centimètres de l’accomplissement, de la joie, du bonheur… avec en point d’orgue le fameux « on aurait pu faire mieux ».

Dans Zi, Sébastien Combemale place cet écart qui le sépare du paradis sur la taille de son sexe : pas assez grand. Pas à la hauteur des standards ambiants, lui non plus, en somme. Cette métaphore caricaturale est filée à souhait, à grands coups de pulsions désordonnées, avec un style précis, un vocabulaire riche et quelques trouvailles stylistiques… jouissives !

Sébastien Combemale explore le catalogue de tous les décalages de la vie de Paul, publicitaire citadin, célibataire mais surtout désabusé, dont les visions cyniques le hantent jour et nuit sur tous les fronts. Dans les open-spaces tapissés d’hypocrisie et de jeux de rôles, dans les verres engloutis et les cigarettes accumulées, dans les dîners en ville ou dans les boîtes de nuit improbables, et surtout dans les bras de ses partenaires où il circule facilement avec son bagou et ses mots d’acteur : partout il tente de trouver sa place. Sans y parvenir jamais : trop de paraître, trop d’ivresse, trop de monde, trop de bruit… trop d’amour ! Pas pour lui. Pas à la hauteur.

Alors voilà, le roman file comme un mal de mer qui n’aurait d’explication que la taille du sexe de Paul. On nage dans une culpabilité collante qui ronge tout, jusqu’à la libido à l’instant même où il ne faudrait pas. La mauvaise mensuration : une fausse excuse intime décortiquée sans cesse et ponctuée d’un humour décapant et caustique.

Mais l’humour, d’ailleurs, ne serait-il pas la seule issue, le seul chemin pour tout supporter, aller vers le salut ? Moquons-nous de nos sexes, moquons-nous de nos étreintes, moquons nous de tout, et surtout des obstacles : en riant, nous devrions être à leur hauteur. Peut-être même pourrions-nous les franchir ? Peut-être même pourrions-nous être satisfaits de notre exploit ? Et, soyons fous, peut-être pourrions-nous goûter un morceau de bonheur, ne serait-ce qu’un instant, comme Paul se surprend dans son éclat final, intense et bref ?

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