Voilà, je suis allé au bout de ce voyage au plus profond du noir. J’ai vu l’horreur remplir le livre de Franck Bouysse comme une encre qui déborde des phrases et recouvre le moindre passage. Il y en a partout ! Rien ne semble arrêter cette surenchère de sombres misères qui dépèce la vie de son héroïne, jeune fille empêtrée dans la domesticité auprès d’une famille de tyrans.
Au pire succède le pire, comme une lancinante prédestination qui lui colle à la peau. Ou qui la lui arrache ? À chaque étape, je ne veux pas envisager la suite. Pourtant je sens bien que les éléments qui l’annoncent ont déjà été sournoisement distillés dans ma tête ! Alors voilà, je suis dans les mêmes sables mouvants que l’héroïne, et mon statut de lecteur m’éloigne de la main qu’elle me tend à chaque page que je tourne ! Ce talent glauque et précis veut-il me tester ? Repousser ce que je crois être la frontière du supportable ? Ou veut-il me contraindre à espérer toujours plus ardemment l’arrivée d’un peu de paix ? Je suis entre les deux, j’oscille… et reste pris dans ce rythme puissant. Même si la poisse dans ma bouche a le goût de l’excès, j’avance sans m’arrêter : les pages une à une resserrent les filets dans lesquels je suis pris.
Seule la fin du livre pourra me libérer : il n’y aura plus de mot.