Lucas Belvaux aurait-il troqué sa caméra de réalisateur* pour un fusil à encre ?! Sur le papier, il semble le franc tireur le mieux préparé pour cette chasse à l’homme : style huilé et visée juste.
L’articulation en roman chorale fait alterner ce que l’on imagine de ce sport de fiction, selon que l’on tient ou non la gâchette : préparation des cartes et des matériels, entrainement, marche vers l’inconnu, recherche de traces, du meilleur refuge, lentes montées des tension, des peurs, battements de cœur… Puis la pause et l’observation : quand on reprend son souffle, la beauté du monde n’est-elle qu’un simple émerveillement, un antidote éphémère à cette absurdité ?
Oui, bien entendu, en grand metteur en scène, Lucas sait décrire les décors… mais aussi les méandres de ceux qui les habitent.
Car très vite la mort revient et c’est la tachycardie ! La voilà si liée à la vie bouillonnante, ou portée à la cible imaginée si près, ou la voilà qui ronge et donne la nausée : elle se répand partout ! Dans l’argent facile qui la donne facilement et permet toutes les folies, dans les amours qu’elle voudrait emporter dès qu’on tourne le dos, dans les ravages de la guerre où elle rôde sans cesse. Oui, les hôpitaux semblent toujours trop loin pour soigner les blessures et les routes cabossées empêchent de la distancer…
Au milieu de la quête de chacun des personnages, les rares dialogues ne durent jamais longtemps mais se poursuivent en prose. Le texte alors s’amplifie en une profonde inspiration, un jeu entre le réel où il ne serait pas utile de s’attarder et le plongeon dans l’introspection, le recul… peut-être plus féconds pour garder le corps vif ou simplement survivre ?
Au fond, il semble que ce soit bien soi-même qu’il s’agisse de débusquer, de révéler enfin, de connaître… Ah que ces tourmentés vivent un bel épisode dans cette quête infinie !
* Plus de 15 films à son actif, dont « Des hommes » (2020, co-scénariste Laurent Mauvigné) ou « Pas son genre » (2014), ou encore « La raison du plus faible » (2006).