Flaubert, ce Normand… Flaubert, cet autre impressionniste !
À la lecture de Salammbô, c’est d’abord la foule de détails qui me frappe : des touches précises et colorées tout au bout du stylo comme au bout du pinceau, un vocabulaire technique d’une richesse inouïe et l’art de la métaphore, avec, subtilement distillées, des phrases qui résonnent comme des sentences.
Puis, avec le recul de chaque pause entre deux chapitres, le tableau s’offre à moi, peu à peu se compose. Car ce roman agite et décrit toutes les faces du monde : il parle de beauté, de religion, de pauvreté, de dénuement, d’inégalités, et, surtout, des extrémités pratiquées sur les champs de batailles.
L’art de la guerre y est décrit aussi bien par les élans stratégiques des chefs, Hamilcar en tête, que par leur influence sur les foules suiveuses, ou encore par les milliers de vies dont les calvaires répétés finissent dans l’horreur.
Les festins, la faim, les armes, les sièges, les guets-apens, les victoires, les défaites, la haine, la mort sont la palette de Flaubert. Les rouges de la cruauté semblent cependant avoir ses faveurs, tant il la scrute et la dissèque.
Et que dire de Salammbô elle-même ? Je crois qu’elle laisse sur le livre un esprit de comète. Au départ, son ellipse commence par son visage sublime, puis son cœur se gonfle en élans contrariés, et, quand je finis ma lecture, je vois sur le tableau exposé devant moi, immense et singulière, sa traîne mystérieuse.