St Jean-Baptiste – Leonard de Vinci – 1514-1515

C’est une question de cheveux. La cascade de boucles brunes à peine dorées, d’une étourdissante finesse, se coupe en deux par la raie du milieu, rectiligne et parfaite. Ainsi, se forme un rideau de théâtre autour du visage, rideau tiré, à peine relevé, un peu seulement, par d’invisibles passementeries. Plus que le fond noir, c’est peut-être cette chute de cheveux jumelles qui fait sortir de ses globes le regard oblique et s’étirer le sourire qui nous plonge dans une intimité parfaite; peut-être même sommes nous complices du même lien avec le peintre ?

De là descend la peau et sa couleur à peine ambrée qui s’épanouit comme un lac, où la double chute d’eau ne ferait comme écume que deux rides de cou. De l’aine sort une ombre comme un saut de poisson volant, plus entendu que vu. Au plexus solaire, deux phalanges déposées en arrière-plan nous font battre le cœur.

Élevé près du mât d’un voilier qui n’existe pas et dont la vigie forme une croix, le doigt tend la main à la verticale, peut-être juste tiré par le fil invisible de ce marionnettiste de peintre ?

En bas, vaguement distinctif, un abysse noirci, taché et légèrement velu sous prétexte de peau d’animal, se plisse et se relève comme un courant, une lame de fond autour du bras caché et courbé de la grâce d’un cou de cygne. De ce tréfonds, se détache encore plus la surface luminescente du lac, une chaire couleur et veloutée de peau qui s’évapore du tableau.

Juste une question de cheveux.